PHYSICO-CHIMIE DE L'ATMOSPHERE
EQUIPE PHISICO-CHIMIE DE L'ATMOSPHERE
Composition de l'équipe :
Responsable : Michaël SICARD
Permanents : Nelson BEGUE, El Hassan BENCHERIF, Jérôme BRIOUDE, Stéphanie EVAN, Jimmy LECLAIR DE BELLEVUE
ATER : Marion RANAIVOMBOLA
Doctorants : Gabriela GODINHO DOS REIS, Dominique GANTOIS, Niels GROENEN, Pérola LOPES, Tristan MILLET, Jean Marcel RIVONIRINA
Contexte
Le socle de la recherche menée par les membres de l’équipe PCA repose sur le parc instrumental de l’Observatoire de Physique de l’Atmosphère de la Réunion (OPAR), sur des données satellites et dans une moindre mesure sur de la modélisation. Un nombre important des données acquises localement sur l’un des trois sites de l’OPAR provient d’instruments dont un des membres de l’équipe PCA est en charge. Cette implication dans le volet instrumental permet à l’équipe de gagner une certaine visibilité dans les réseaux de mesure et infrastructures de recherche. Quatre Services Nationaux d'Observations (SNO) sont hébergés au sein du site instrumenté OPAR. Les trois premiers SNO : NDACC, PHOTONS-AERONET et CLAP, font partie de l’infrastructure de recherche ACTRIS-FR et ACTRIS-ERIC. Le quatrième SNO : RAMCES, fait partie du très grand instrument de recherche ICOS-France et de l’infrastructure de recherche ICOS-ERIC.
L’OPAR est également rattaché aux réseaux WWLLN, CTBTO, TCCON, AERONET, EARLINET, WMO/GAW et GRUAN.
L’équipe PCA du LACy joue un rôle moteur au niveau des collaborations internationales. Cela passe par la coordination des actions d’observation et de recherche menées dans le cadre de nos réseaux. Du fait du caractère planétaire/hémisphérique des thématiques de recherche que notre équipe ambitionne de porter, cette ouverture internationale est indispensable. Elle doit être structurée et soutenue dans l’objectif de consolider notre leadership régional et international. Trois paramètres sont au coeur de nos préoccupations. Ils figurent également parmi les préoccupations de la communauté scientifique, compte tenu de leurs impacts sur le climat et la société : Aérosols, Ozone et Rayonnement UV.
Axes de recherche
L’équipe « Physico-Chimie de l’Atmosphère » du LACy s’intéresse aux processus atmosphériques qui conditionnent la composition de la troposphère et de la stratosphère subtropicale, ainsi qu’à leurs impacts sur le bilan radiatif et sur les tendances à long-terme.
Thématique 1. Aérosols atmosphériques
Axe 1. Bilan et variabilité de l’aérosol atmosphérique
Participants : N. Bègue, H. Bencherif, M. Sicard
Contexte :
Les aérosols modifient le bilan radiatif direct et indirect de la planète et doivent ainsi être pris en compte dans les scénarios climatiques. En effet, les aérosols augmentent l’albédo pour la partie solaire du spectre et modifient les processus d'émission et d'absorption pour la partie infrarouge. De plus, ils ont des effets indirects sur le rayonnement par la modification de la formation et des propriétés radiatives des nuages via des rétroactions complexes.
Bien que les aérosols jouent un rôle significatif sur le système climatique aux échelles globale et régionale, leurs propriétés microphysiques et optiques ne sont pas suffisamment documentées et présentent une source d'erreur majeure dans les estimations des modèles climatiques (IPCC, 2018). La distribution verticale des aérosols varie d’une région à l’autre, en fonction des sources d’émissions et des conditions météorologiques. La tropopause tropicale contrôle les échanges verticaux et agit comme une barrière dynamique. Les masses d’air troposphérique entrent dans la stratosphère par les régions tropicales (Holton et al., 1995). Ce transport aux tropiques est responsable de l’acheminement d’un grand nombre de composés importants tels que les aérosols et la vapeur d’eau. L'injection de SO2 gazeux dans l’UT-LS par les éruptions volcaniques majeures est susceptible de générer des quantités importantes d'aérosols sulfatés pouvant séjourner pendant plusieurs années. Récemment, Vernier et al. (2011) ont mis en évidence, à partir de mesures spatiales, que les éruptions modérées modulent le contenu en aérosols durant les périodes hors éruptions volcaniques majeures, dite période « de fond ». D’autres études révèlent la présence de populations d’aérosols absorbants en quantités significatives dans la basse stratosphère. Il s'agirait principalement d'aérosols organiques (Murphy et al., 2007 ; Renard et al., 2010).
Les processus qui contrôlent les distributions verticales des aérosols (de la troposphère vers la stratosphère), leur vieillissement et abondance sont insuffisamment documentés. Ce constat est d’autant plus criant dans l’hémisphère sud, en raison de la spécificité de cette région (peu de terre) qui induit un faible nombre de stations d’observation et donc un très faible échantillonnage, en comparaison avec l’hémisphère nord.
Questions scientifiques / Verrous :
La distribution verticale des aérosols détermine leur forçage radiatif, mais aussi leur temps de résidence dans l'atmosphère, qui affecte les processus de vieillissement et la distribution qui en résulte après advection (Darbyshire et al., 2019 ; Morgan et al., 2019). Il est nécessaire de maintenir cet effort de caractérisation de l’origine et de la variabilité spatio-temporelle des aérosols au-dessus du bassin sud-ouest de l’océan Indien afin de répondre aux objectifs :
- Quantifier de l’influence des différentes sources d’aérosols sur la distribution verticale des propriétés optiques des aérosols.
- Déterminer dans quelle mesure les processus d’émission (par les feux de biomasse, les éruptions volcaniques, les émissions marines) pourraient expliquer les observations d'aérosols et ceci à différentes échelles et en différents lieux.
Les observations in-situ, fournissant la distribution en taille et leurs paramètres intégrés (rayon effectif, densité de surface, extinction), manquent fortement aux latitudes tropicales sources d'aérosols sulfatés stratosphériques, alors qu'elles s'avèrent précieuses pour évaluer ou forcer la microphysique des modèles de Chimie-Climat.
Axe 2. Emissions marines
Participants : J. Brioude, M. Sicard
Contexte :
De nombreux efforts ont été entrepris pour estimer la part anthropique du changement climatique à l’aide de modèles climatiques utilisant des scénarios préindustriels, présents ou futurs d’émissions de surface. Cependant, la contribution exacte des émissions de sources naturelles demeure mal déterminée. Parmi les sources naturelles, les émissions marines jouent un rôle critique dans notre compréhension du système climatique. Les océans couvrent 70% du globe, et les émissions marines sont des sources majeures de gaz traces et de sprays marins. Les poussières désertiques et les sprays marins (sel et aérosols organiques primaires) sont de loin les sources les plus importantes d’aérosols par rapport aux émissions anthropiques (IPCC, 2013). Il est donc important de comprendre les variations des émissions marines dans un climat changeant pour mieux estimer la part des émissions anthropiques sur le bilan radiatif.
À l’heure actuelle, de larges incertitudes existent sur l'estimation des flux océan-atmosphère d'aérosols et de gaz traces ainsi que leur temps de résidence atmosphérique. Le mécanisme principal responsable de l’émission d’aérosols marins est l’interaction du vent de surface avec la surface océanique, représentée par la vitesse du vent à 10 m et un coefficient de trainé dans les paramétrisations actuelles. Or des études ont montré que la température de surface (ou SST) devait être prise en compte pour réduire les incertitudes des flux d’aérosols marins (e.g. Ovadnevaite et al., 2014, Grythe et al., 2014). Les modèles climatiques prédisent une augmentation de 2 à 4 K de la SST en 2100. Si l’on tient compte de la dépendance en SST des émissions d’aérosols marins, les flux augmenteraient de 7 à 10 % par °C, avec une augmentation de l’AOD des aérosols marins et du nombre de CCN en milieu océanique, et ainsi une diminution partielle du réchauffement climatique.
Les paramétrisations actuelles ont été développées sans prendre en compte les phénomènes tels que la turbulence et les rafales de vent. Or, la dépendance des paramétrisations aux paramètres météorologiques étant fortement non-linéaire, ces phénomènes non-résolus peuvent biaiser les estimations de flux moyen d’aérosols marins. De plus, des questions se posent sur la portabilité de ces paramétrisations dans des modèles à différentes résolutions (mésoéchelles, globaux et climatiques).
Struthers et al. (2013) ont montré que l’océan Indien est un bassin où les flux d’aérosols marins sont importants à cause de forts vents de surface et d’une forte houle. Par ailleurs, Jaégle et al. (2011) ont montré que c’est l’un des océans les plus susceptibles à voir ses émissions changer avec les changements en vitesse de vent et de température de surface.
Ainsi, l’ile de la Réunion est idéalement située dans le bassin de l’Océan Indien pour l’étude des aérosols marins et les masses d’air d’origine marine observées à la Réunion et dans le bassin peuvent être considérées comme purement marines car éloignées de sources terrestres, comme montré par le projet AEROMARINE (cf. bilan de l’équipe Troposphère).
Questions scientifiques / Verrous :
- Caractérisation des aérosols marins (distribution en taille, nombre) en couche limite marine sur le bassin de l'Océan Indien.
- Estimation de l'impact des phénomènes non résolus dans les paramétrisations (turbulence, rafales) sur l’incertitude des flux moyens d’aérosols marins.
Axe 3. Feux de biomasse et éruptions volcaniques
Participants: N. Bègue, H. Bencherif, M. Sicard
Contexte :
Dans ce contexte de changement climatique, le nombre des évènements de feux de biomasse ainsi que leur intensité ne cessent de croître. Les régions de l'Amérique du Sud et de l'Afrique australe sont reconnues comme étant les principales sources d'aérosols dans l'hémisphère sud. Les événements saisonniers de feux de biomasse au sein de ces deux régions contribuent à injecter de grandes quantités d’aérosols dans l’atmosphère. Les aérosols observés lors de la saison des feux en Amérique du Sud et en Afrique australe ont des capacités d’absorption pouvant perturber l’équilibre radiatif en fonction de l’altitude à laquelle ils se trouvent.
Les panaches de fumée issus de feux de biomasse contiennent majoritairement de fines particules organiques avec des concentrations variées de BC (Black Carbon), émises lors de la phase la plus chaude de la combustion (en présence de flamme). Dans le cas de la savane africaine, celle-ci brûle rapidement avec une forte flamme émettant de grandes quantités de carbone suie, sans phase de fumée par les cendres ou les braises (Eck et al., 2001). D’autant plus, l’activité des feux en Amérique du Sud et en Afrique australe possède le potentiel d'injecter de grandes quantités de précurseurs de l'ozone, tels que le monoxyde de carbone (CO), localement et à grande distance (Clain et al., 2009 ; Duflot et al., 2022, Bencherif et al., 2020a). A cet effet, le CO peut être considéré comme un traceur intéressant pour l’étude du transport atmosphérique, et permet notamment de comprendre comment la distribution à grande échelle des polluants atmosphériques peut être influencée par le transport des panaches issus des feux de biomasse et l’utilisation des fuels fossiles.
Le bassin sud-ouest de l’océan Indien est une région particulièrement exposée aux aérosols, et aux composés associés (e.g., ozone et monoxyde de carbone), lors de la saison des feux en Afrique australe. Les études précédentes ont permis d’identifier les principaux modes de transport des panaches d’aérosols au-dessus de l’Afrique australe durant la saison des feux (Garstang et al., 1996 ; Swap et al., 2003). Cependant, les routes de transport des panaches d’aérosols vers le bassin sud-ouest de l’océan Indien ne sont pas encore clairement identifiées. Le transport des panaches d’aérosols au sein du bassin sud-ouest de l’océan Indien est caractérisé par une structure dite « rivière de fumée » (Swap et al., 2003 ; Gaetani et al., 2021 ; Flamant et al., 2022). Compte tenu de l’absence de mesures régulières en Afrique australe durant la saison des feux, il demeure des questions concernant l’occurrence et les conditions dynamiques qui sont à l’origine de ces évènements.
L’intensité croissante des feux avec ce contexte de changement climatique conduit depuis ces dernières années à une augmentation des évènements de méga-feux. Les conditions de sécheresse accrues par des vagues de chaleur intenses peuvent favoriser la réalisation des processus de pyro-convection. Ces processus, combinée aux grands feux de biomasse, représente un mécanisme susceptible de contribuer au transport des aérosols carbonés et des espèces gazeuses, telles que le CO, dans l’UT-LS et la stratosphère dans le cas d'événements bien identifiés (Fromm et al., 2006). Au sein de l’hémisphère nord, des études ont montré la présence d'aérosols carbonés dans la basse stratosphère tropicale sur une période de plusieurs mois, suite aux épisodes de grands feux de biomasse (Khaykin et al., 2018 ; Kloss et al., 2019 ; Yu et al., 2019). Très récemment, Khaykin et al. (2020) ont montré l’injection d'aérosols dans la basse stratosphère tropicale sur une période de plusieurs mois suite aux épisodes de feux de biomasse australien de décembre 2019.
Les évènements de feux extrêmes de ces dernières années tendent à confirmer que les aérosols dans la basse stratosphère ne sont pas principalement composés de particules de sulfate pur issues des éruptions volcaniques, mais sont susceptibles d'inclure des composants carbonés (de 20% à 60% en masse), tels que le BC, la suie et les aérosols organiques secondaires (Schwartz et al., 2006 ; Murphy et al., 2007). Le contenu des aérosols dans l’UT-LS/stratosphère semble ainsi ne pas être modulé uniquement par les éruptions volcaniques
Questions scientifiques / Verrous :
L'injection de SO2 gazeux directement dans l’UT-LS et la stratosphère par les éruptions volcaniques majeures ou modérées est susceptible de générer des quantités importantes d'aérosols sulfatés pouvant y séjourner pendant plusieurs années (McCormick et al., 1992). La multiplication des évènements de feux de biomasse révèle la nécessité de comprendre la contribution de ces émissions dans la modulation de la composition physico-chimique au sein du bassin sud-ouest de l’océan Indien afin de répondre aux objectifs :
- Caractériser les mécanismes associés au transport des panaches d’aérosols au sein de la troposphère tropicale depuis les régions sources (Afrique australe et Amérique du Sud) vers le bassin sud-ouest de l’océan Indien.
- Identifier les mécanismes d’injection des aérosols au sein de l’UT-LS/stratosphère tropicale.
- Quantifier la contribution des évènements de feux et des éruptions volcaniques dans l’évolution du contenu en aérosols dans l’UT-LS/stratosphère.
Il nous apparaît ainsi important de déterminer dans quelle mesure les émissions par les feux de biomasse sont particulièrement importantes aux latitudes tropicales en saison sèche, mais aussi les processus dynamiques de convection tropicale, de pyro-convection combinés à la circulation atmosphérique, pourraient expliquer les observations d'aérosols à contenu non sulfatés obtenues dans l’UT-LS/stratosphère.
Axe 4. Poussières désertiques
Participants : N. Bègue, H. Bencherif
Contexte et questions scientifiques :
Les poussières désertiques est le type d’aérosols le plus abondant dans l’atmosphère. Il représente plus de 75% des aérosols (Wu et al., 2020). Le Sahara au nord de l’Afrique est l’une des plus importantes sources de poussière minérales, avec une production annuelle estimée à environ 170 à 1600 Tg (Engelstaedter et al., 2006), ce qui fait des poussières minérales un élément important du climat saharien. Le Sahara est aussi parmi des régions les plus chaudes du monde, avec des températures moyennes annuelles supérieures à 30°C. Elle s'étend zonalement sur ~5000 km, de l’océan Atlantique à la mer Rouge, entre l'Afrique du Nord méditerranéenne et l'Afrique subsaharienne. C'est le plus grand désert du monde, avec une superficie de 9,1 millions de km² (soit 31% de la surface de l'Afrique), et traverse une douzaine de pays africains. Le Sahara contribue ainsi à plus de la moitié des émissions mondiales de poussières (Kok et al., 2021). Le transport des poussières minérales en Afrique du Nord est caractérisé par une grande variabilité à différentes échelles de temps (diurne, intra-saisonnière, saisonnière, interannuelle et multi-décennale (Wang et al., 2015). Les tempêtes de sable se produisent généralement au Sahara pendant l'été, sous l'effet de vents très forts générés par la différence abrupte de densité de l'air entre les masses d'air chaudes et froides. Cependant, selon des études récentes, de plus en plus de poussières de sable du Sahara atteignent l’Europe et les Caraïbes, même pendant les mois les plus froid d’hivers, vraisemblablement en raison des changements dans la circulation atmosphérique, de la désertification et l’augmentation de la sécheresse dans les régions sources (Cuevas-Agulló et al., 2023). Outre leur apparition sporadique et saisonnière, les processus générateurs de ces tempêtes ne sont pas bien compris, car les conditions atmosphériques rendent les observations difficiles et les recherches sont souvent très limitées dans les régions désertiques. A cet effet, les propriétés associées aux poussières désertiques en région source sont encore mal connues.
Les observations par satellite jouent un rôle majeur et permettent de suivre les distributions des poussières dans l'atmosphère et leur transport. En effet, selon les conditions météorologiques, les nuages de poussières sahariennes peuvent parcourir de très longues distances, suivant des trajectoires méridiennes (vers l’Europe) et des trajectoires zonales transatlantiques (vers l’ouest). Des études précédentes, menées au LACy, ont montré que des poussières sahariennes peuvent atteindre les régions nord de l’Europe, tels que les Pays-Bas (Bègue et al., 2012, 2015). Elles peuvent également atteindre les régions de l'Amérique du Sud et les Caraïbes (Shepherd et al., 2016). Les poussières minérales mobilisées dans le Sahara et en Afrique du Nord atteignent souvent le bassin méditerranéen (Bencherif et al., 2020 ; Cuevas et al., 2021).
Elles affectent la qualité de l'air, la transparence du ciel et provoquent des dépassements des seuils d’exposition fixés par l’OMS (WHO, 2021 ; Khomsi et al., 2020 ; Bounhir et al., 2008), impliquant ainsi des risques croissants sur les populations et l’environnement.
Thématique 2. Ozone et vapeur d’eau
Participants : J. Brioude, S. Evan, O. Saincir
Contexte :
La vapeur d'eau stratosphérique joue un rôle crucial dans le changement climatique. Cependant, les prévisions de changements de vapeur d'eau en stratosphère par les modèles climatiques sont incertaines en raison de notre compréhension limitée des processus physiques qui se produisent dans la tropopause tropicale (TTL). Le projet CONCIRTO a financé deux campagnes de mesures à l'observatoire du Maïdo sur l'île de la Réunion dans le but d’améliorer la représentation des cirrus et de la convection profonde dans les modèles et pour caractériser les propriétés des cirrus et leurs effets sur l'humidité dans la TTL. De plus, l'éruption du volcan Hunga Tonga a fourni une opportunité exceptionnelle de mesurer les effets d'une perturbation majeure de la vapeur d'eau stratosphérique. Cet événement a permis de mettre en lumière l'importance des mesures sous ballons pour la surveillance du climat et de la composition de la stratosphère, notamment grâce à leur résolution verticale.
Evan et al. (2024) a montré l’impact de la vapeur d’eau sur la chimie de l’ozone la première semaine de l’éruption. La concentration exceptionnelle en vapeur d’eau, à favoriser en moins d’une semaine, l’activation d’espèces halogénés.
Il semble que les paramétrisations actuelles, et la chimie en phase gaz et la chimie hétérogène des espèces chlorés permettent d’expliquer la perte moyenne d’ozone vu par MLS (Zhu et al., 2023). Or sur certains profils d’ozone mesurés par sondes ECC, des pertes de 50% d’ozone dans des structures à fine échelle verticale ont été enregistrées. Il est probable que d’autres mécanismes, tel que le cycle de brome, doivent être pris en compte pour expliquer de telles perturbations.
Questions scientifiques / Verrous :
- Impact du Volcan Hunga Tonga sur l’ozone stratosphérique tropicale vu par radiosondages des stations SHADOZ en 2022 et 2023.
- Rôle de la chimie et de la dynamique sur les variations d’ozone stratosphérique
Thématique 3. Transport et dynamique
Participants : N. Bègue, H. Bencherif
Contexte :
La stratosphère tropicale est une région motrice et sensible de l’atmosphère terrestre. C’est la région d’entrée des masses d’air de la troposphère vers la moyenne atmosphère et le lieu principal de production de l’ozone stratosphérique. L’air tropical est redistribué vers les moyennes et hautes latitudes par la circulation méridienne large-échelle dite Circulation de Brewer-Dobson (CBD). La stratosphère tropicale se trouve ainsi directement concernée par deux problématiques majeures et préoccupantes : le rétablissement de la couche d’ozone et l’effet du changement climatique en lien avec l’augmentation des concentrations des gaz à effet de serre et les changements physico-chimiques et dynamiques associés.
Schématiquement, la stratosphère tropicale est un réservoir dynamiquement isolé au sein de l’atmosphère terrestre. Elle est séparée des autres compartiments par des barrières dynamiques, par la tropopause tropicale qui limite les échanges avec la troposphère, et par les barrières subtropicales qui modulent les échanges de masses d’air avec les latitudes supérieures. Cependant, la CBD est encore mal documentée, du fait notamment du manque d’observations directes. Elle s’établit dans l’hémisphère d’hiver où la stratosphère tropicale se trouve partiellement isolée de la stratosphère des moyennes latitudes. Il est aujourd’hui bien connu que la CBD et le confinement des masses d’air dans la stratosphère tropicale dépendent de l’activité des ondes planétaires aux moyennes latitudes, de la phase de la QBO et du cycle solaire. Aux moyennes latitudes, le brassage intense des ondes planétaires de Rossby affecte le transport méridien. Ces ondes sont principalement générées dans la troposphère, et se propagent verticalement dans la stratosphère d’hivers (lorsque le vent zonal est positif) en transportant verticalement avec elles de la quantité de mouvement. En interagissant avec l’écoulement zonal moyen, les ondes planétaires contribuent à l’établissement de la CBD par pompage dynamique et induisent d’importantes modifications sur les équilibres physico-chimiques, sur « la force » des barrières dynamiques, et par conséquent sur les flux de masses d’air mis en jeu lors des épisodes d’échange méridiens.
Questions scientifiques / Verrous :
En dépit de leur important rôle dans les échanges méridiens, les barrières subtropicales sont peu étudiées. Leur localisation, variabilité et changement à long-terme sont très (trop) peu documentés. Il est ainsi nécessaire de produire un effort dans caractérisation et la variabilité des barrières subtropicales afin de répondre aux objectifs :
- Identifier la variabilité des barrières dynamiques dans l’HS.
- Quantifier l’influence des échanges méridiens dans la variabilité des composés tels que l’ozone et les aérosols.
- Identifier les régions où le transport s’effectue préférentiellement (routes de transport).
Thématique 4. Ozone et rayonnement UV
Participants : N. Bègue, H. Bencherif
Contexte :
L’ozone est essentiellement produit par photochimie aux tropiques est redistribué vers les hautes latitudes par la CBD, induisant un déficit climatologique d’ozone aux tropiques. A l’échelle globale, il est attendu que l’ozone stratosphérique retrouve son niveau d’avant les années 1970, d’ici une trentaine d’années, suite à l’entrée en vigueur du protocole de Montréal (en 1989). Cependant, des travaux récents convergent et soulignent que l’accélération de la CBD (Butchart, 2014) contrarie un éventuel rétablissement de la couche d’ozone notamment aux tropiques. Les estimations récentes de tendances de l’ozone réalisées au LACy, en collaboration avec nos partenaires dans l’HS (Irene en Afrique du Sud et Natal au Brésil), corroborent cette hypothèse d’accélération de la CBD et montrent des tendances négatives de l’ozone stratosphérique (Bencherif et al., 2020b et 2024). En résonnance avec ces tendances négatives d’ozone dans la stratosphère tropicale, une autre étude au LACy (Lamy et al., 2018) a montré que les tropiques nord et sud pourraient présenter une remontée des UV au cours du 21ème siècle.
Cette thématique s’inscrit dans la continuité des activités développées par l’équipe stratosphère dans le contrat en cours (2019-2024). Jusqu’à présent, l’effort a été porté sur le développement de notre stratégie d’observation et sur le développement de nos collaborations aux échelles locale, régionale et hémisphérique. Pour rappel, parmi les actions importantes qui ont mobilisé l’équipe, il y a la construction du réseau de mesures UV-indien dans l’océan Indien, en synergie avec les réseaux de recherche opérationnels tels que ARSAIO avec l’Afrique du Sud (depuis 2011), et AEROBI avec le Brésil (depuis 2018). Ces réseaux ont aujourd’hui atteint un degré de maturité et fournissent régulièrement, entre autres, des mesures d’ozone, d’aérosols et de rayonnement UV à partir d’instruments déployés à différents points de l’HS. Désormais, nous pouvons affirmer que nous nous connaissons bien avec nos partenaires, nous travaillons en confiance et entretenons des échanges réguliers d’étudiants (niveau master et doctorat), de Post-Doc et d’enseignants-chercheurs. Nous répondons ensemble à des appels à projets bilatéraux ou internationaux et élaborons conjointement des projets de thèse en codirection ou en cotutelle.
Questions scientifiques / Verrous :
Nous nous focalisons dans cette Thématique 4 sur les modes de variabilité et changements de l’ozone stratosphérique et du rayonnement UV (RUV) aux tropiques sud, dans le contexte complexe du rétablissement de la couche d’ozone, de l’augmentation des GES et de l’accélération de la CBD. Deux objectifs principaux sont poursuivis :
- Amélioration des connaissances sur les forçages et tendances de l’ozone observées, avec une attention particulière sur l’impact des modifications de la dynamique (dont l’accélération la branche isentropique de la CBD).
- Caractérisation climatologique de la variabilité annuelle et interannuelle des RUV dans l’Océan Indien, et plus généralement dans les tropiques sud de l’Hémisphère Sud.
Thématique 5. Impact radiatif
Participants : N. Bègue, M. Sicard
Contexte :
La région tropicale autour de l'équateur est celle où l'émission de la combustion de biomasse due aux incendies de forêt dans l'atmosphère est la plus élevée à l'échelle mondiale. La Figure ci-contre montre les feux actifs pendant la saison sèche de l'hémisphère sud à partir du Moderate-Resolution Imaging Spectroradiometer (MODIS). Il apparaît clairement que les plus grands regroupements de ces feux se trouvent dans l'hémisphère sud, notamment en Amérique du Sud et en Afrique australe.
Les grands incendies de forêt émettent essentiellement du monoxyde de carbone (CO) et de fines particules de fumée telles que le carbone noir (BC) et la matière organique. La chimie dans les panaches de feu impliquant le CO peut conduire à la formation d'ozone troposphérique et stratosphérique (Crutzen and Andreae, 1990), ce qui peut exercer une importante force climatique dans les régions aval. Les particules de carbone noir émises sont naturellement très absorbantes et contribuent à réduire le refroidissement produit par les aérosols carbonés dominés par la diffusion (Jeong and Wang, 2010). Cet effet dépend fortement de la saison et peut s'étendre à des échelles plus grandes (de régionales à mondiales) lorsque les particules sont injectées dans la stratosphère. La pénétration des composés liés à la fumée dans la stratosphère dépend des mécanismes de pyroconvection (Fromm et al., 2000) et de la tropopause qui agit comme une barrière dynamique. Bien que les mécanismes de transport dans la zone de transition entre la troposphère et la stratosphère jouent un rôle clé dans la stabilité de la couche d'ozone et du climat, ils sont encore mal compris. Cela est d'autant plus intéressant aux latitudes tropicales, car l'injection de masses d'air troposphérique dans la stratosphère contribue à alimenter le réservoir stratosphérique tropical (Holton et al., 1995).
À l'échelle de la planète, la région de l'océan Indien est un domaine plutôt propre, souvent considéré comme ayant une atmosphère quasi-pristine pendant certaines périodes de l'année (Duflot et al., 2011). Dans cette région, (Duflot et al., 2022) ont démontré que la combustion de biomasse était responsable des deux tiers de la variabilité de l'épaisseur optique des aérosols (AOD), et que, pour toutes les classes d'aérosols, l'AOD à l'île de la Réunion dans le sud-ouest de l'océan Indien (SWIO) avait une tendance à la hausse de +0,02 par décennie. Le principal type d'aérosol responsable de cette augmentation reste à étudier. Le SWIO est également un carrefour du transport des aérosols de combustion de biomasse d'origine africaine, sud-américaine et australienne (Duflot et al., 2022 ; Bègue et al., 2023). Récemment, et probablement lié à l'expansion des zones arides mondiales sous l’effet d’un climat qui se réchauffe, des incendies de brousse extrêmement violents se sont produits dans l'hémisphère sud (Khaykin et al., 2020 ; Bègue et al., 2021 ; 2023).
Questions scientifiques / Verrous :
Les questions scientifiques de cet axe de recherche amèneront à explorer le potentiel altérant des aérosols de combustion de biomasse sur le climat régional dans le sud-ouest de l'océan Indien. La ceinture de fumée (Amérique du Sud, Afrique et Australie) est la source d'émission ciblée. Cette recherche devrait éclairer les questions scientifiques suivantes :
- Quel est l'impact des aérosols, et en particulier des aérosols de combustion de biomasse, sur le climat régional dans le SWIO ? En termes de bilan radiatif, de nébulosité et de précipitation.
- Cet impact des aérosols sur le climat régional dans le SWIO est-il piloté essentiellement par les aérosols de combustion de biomasse ? Dans quelle mesure ?
- Cet impact est-il comparable à l'impact climatique des gaz à effet de serre dans cette région du globe ?
Le verrou principal sera la disponibilité de simulations de climat régional/global existantes ou la possibilité d’en exécuter de nouvelles pour couvrir une échelle climatique (2000 à nos jours).
Sélection de publications
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